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Cinq questions à... Barbara Asei Dantoni

Dernière mise à jour : 18 déc. 2022


Travaillant entre la France et le Cameroun, Barbara Asei Dantoni est une figure montante de l'art contemporain et du design. En 2007, elle décide de créer son propre studio de création pour exploiter toute sa maitrise artistique et toucher à tous les domaines créatifs. Passant par la mode, la scénographie et encore, le mobilier, l'artiste ne se limite à aucune frontière.

En parallèle de ses expositions, Barbara Asei Dantoni met également son expertise, en tant que directrice artistique, au service de nombreuses marques internationales. Terminant actuellement un mois de résidence artistique au sein du centre d'art contemporain Le Bel Ordinaire (64140 BILLERE), elle expose une nouvelle série qui s'inscrit dans la continuité de son projet artistique, Identités Imaginaires - Au delà des visibles, jusqu'au 28 décembre 2022.


Portrait de Barbara Asei Dantoni par Xavier Randria

Bonjour Barbara, nous vous remercions d'avoir accepté de répondre à nos questions. En parcourant votre carrière, nous pouvons aisément constater l’éclectisme stylistique de vos œuvres d’art ainsi que la multitude des supports utilisés. Avez-vous connu diverses périodes durant votre carrière artistique ou suivez-vous une ligne directrice précise ?



En effet on peut dire que j’ai traversé différentes périodes de création. Après mon diplôme de designer, j’ai travaillé sur des projets de scénographie dans le domaine du spectacle vivant. Puis il y a eu ma période “mode” avec la création de la marque Marthe Aimée ; une sorte de pas de côté par rapport à ma formation initiale de designer industriel. Tout cela pour finalement revenir au design d’objets et à la scénographie, et des collaborations avec de multiples marques dans des univers variés (mobilier, luxe, gastronomie...).

Barbara Asei Dantoni, COLEO, 43 x 65 cm, cuir, acrylique sur papier, bois, tissu malien, clous, rubans satin et velours, 2021 ©Barbara Asei Dantoni

Les projets "purement artistiques” sont revenus en 2017 avec mon œuvre textile de 7 mètres Blue Landscape, réalisée sur 2 années et exposée au G7 de Biarritz à la demande de l’Elysée.

Parallèlement à tous ces projets, je n’ai jamais cessé de peindre et de dessiner. Et plus particulièrement de dessiner ces sortes de masques inspirés des masques passeport du Cameroun. De là sont arrivées les Identités Imaginaires en 2020, mon projet artistique le plus personnel. Si elles paraissent différentes, il y a toujours un lien entre mes réalisations, qui se nourrissent les unes des autres. On y retrouve souvent l’évocation à la nature, les savoir-faire traditionnels, le textile... Si l’on regarde avec attention, il y a un fil rouge qui traverse mon travail, dans les formes, les couleurs, les détails...



Il y a un an, vous étiez en résidence à Bandjoun Station, le centre culturel fondé par l’artiste Barthélémy Toguo. Pouvez-vous nous raconter plus amplement cette expérience au Cameroun ?


Barbara Asei Dantoni, BLESS, 90 x 115 cm, Acrylique sur toile, 2022 ©Barbara Asei Dantoni

En introduction, je précise que je suis camerounaise par ma mère ; une grande partie de ma famille vit au Cameroun. Mes grands-parents maternels et des membres de ma famille y sont enterrés. De fait, ma résidence à Bandjoun Station, qui m’a ramenée à ma terre maternelle, a été très importante dans mon processus de création. Ce fut une expérience extraordinaire, riche de rencontres, d’inspirations, de créativité. J'étais entourée de 3 artistes géniaux, avec qui nous nous sommes liés d’une vraie amitié fraternelle. Barthélémy Toguo était aussi à nos côtés durant cette période, et c’était enrichissant d’en apprendre plus sur lui, sur sa vie...Pendant ces 6 semaines dans l’Ouest Cameroun, au milieu de paysages incroyables, je me suis sentie connectée à mes ancêtres, à la nature environnante, à l’énergie du pays.


Cela a eu un fort impact sur mon travail de création, qui a pris une nouvelle tournure en termes de formes, de couleurs... J’ai beaucoup écrit là-bas, notamment mes premiers poèmes sur les Identités Imaginaires. J’ai aussi entamé mon travail en volume, créé mes premières œuvres en 3 dimensions.



Au Cameroun, vous avez réalisé́« Identités Imaginaires », un travail artistique qui ouvre une page plus personnelle. Pouvez-vous nous expliquer votre projet ? Et si nous considérons que vous avez effectué un travail d’introspection, pourquoi était-il important, pour vous, de dévoiler ce qui relève de l’intime et de le partager publiquement ?



En fait, j’ai démarré mon projet Identités Imaginaires bien avant ma résidence à Bandjoun Station. Et je suis partie là-bas avec l’objectif d’y poursuivre ce projet artistique.

Bien que j’aie commencé les œuvres Identités Imaginaires fin 2019-début 2020, je portais ce projet en moi depuis très longtemps. Je suis née de différents exils : celui de mon grand-père italien et de ma mère camerounaise. J’ai grandi dans une identité floue, et mon métissage m’a très tôt questionnée... Il a aussi contribué à mon intérêt pour l'art comme un espace de liberté où je n’étais plus assignée à mon apparence et à ma différence.

Mes œuvres Identités Imaginaires sont nées de ces questionnements personnels. Mes premières sources d’inspiration furent les masques « passeports » du Cameroun,

FA, 73 x 92 cm, Acrylique et écailles de papier doré sur toile, 2020 ©Barbara Asei Dantoni

utilisés comme preuves identitaires bien avant la colonisation. J’ai commencé à créer mes propres masques avec différentes techniques (peinture, collage, textile ...) et en privilégiant l’abstraction, pour évoquer l’identité dans ce qu’elle a de plus intime. J’avais envie de célébrer ma diversité culturelle, à travers des formes, des couleurs et des symboles liés à mes différentes origines. Peu à peu, je me suis rendue compte que cette célébration tendait vers quelque chose de plus universel. Et qu’en l’exprimant ainsi, elle touchait d’autres personnes, intriguait, interrogeait ou émerveillait. Le fait de rendre public ce travail de création m’a permis de porter un message, de créer un langage nouveau pour aborder les questions identitaires via l’imaginaire. En reliant l’être à la nature, aux ancêtres et au divin...


À travers « Identités Imaginaires » ou encore la médaille « Idima », vous faites souvent référence aux symboles africains et à la Culture traditionnelle. Quelle place occupent-ils dans votre art ?


Une place centrale. Mon travail artistique se nourrit des traditions, des rites, des cultures animistes liées à mes différentes cultures, dont majoritairement ma culture camerounaise. Tout est parti de là, de mon africanité.


Si nous citons « Bandjoun Station », « Cyenye Mko » et tout récemment AKAA 2022, nous pourrions en déduire que vous vous orientez vers le continent africain. Pouvons-nous en conclure qu’il est désormais la principale source d’inspiration de votre art ? Ou au contraire, comptez-vous, à l’avenir, puiser votre inspiration ailleurs ?


Je puise mon inspiration à la fois dans ma part africaine et dans ma part franco-italienne. Même si cette dernière peut sembler moins visible ou évidente dans mon travail, elle est présente. Au-delà de mes cultures, je suis fascinée également par les peuples amazoniens / amérindiens. Leur histoire, leur relation à la nature, aux mondes invisibles, me renvoie sous certains aspects à l’Afrique. Je puise donc aussi parfois mes inspirations à cet endroit, dans cette porosité entre peuples non occidentaux.

On peut dire que ma première source d'inspiration est liée au continent, mais autour d’elle s’articule tout un tas d’influences qui ne cesse d’évoluer, en fonction de ce qui me touche et de mes expériences de vie.



Barbara Asei Dantoni, BANDJOUN FEVER, 150 x 150 cm, Acrylique sur toile de coton noire, 2021 ©Barbara Asei Dantoni

Nous remercions chaleureusement Barbara Aisei Dantoni d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Dans la continuité de sa carrière, l'artiste expose actuellement ses œuvres, du 9 au 28 Décembre 2022 :


Exposition de fin de résidence Centre d'art contemporain

Les Abattoirs, Allée Montesquieu,

64140 BILLERE


Contact :


 

Entretien mené par

Rama Barry

Historienne de l'art

© Oshūn Art

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